Latest news from the Virunga oil front: ” Au Congo, les risques du baril”

Latest news from the Virunga oil front

SOURCE: Liberation
4 juin 2012 à 19:36

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Analyse Le parc des Virunga, en RDC, classé par l’Unesco, est menacé par les projets d’exploitation pétrolière.

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Par FANNY PIGEAUD Correspondante à Libreville

C’est un scandale de plus qui se joue dans l’est de la république démocratique du Congo (RDC), où depuis des décennies les multinationales du secteur minier opèrent sur fond de conflits armés sans fin. Cette fois, ce sont des pétroliers, dont le français Total, qui se mêlent à la fête, en convoitant le sous-sol du mythique parc national des Virunga et de sa région.

Créé en 1925 à la frontière avec l’Ouganda, ce parc, le plus ancien d’Afrique, est classé au patrimoine mondial de l’Unesco en raison de sa biodiversité exceptionnelle. Englobant le lac Edouard, qui fait vivre 50 000 personnes, il abrite de nombreuses espèces protégées, notamment le gorille des montagnes, cher à Dian Fossey. Normalement, en vertu de son double statut de parc et de patrimoine mondial, il ne peut faire l’objet d’aucune activité extractive : les lois congolaises et la Convention du patrimoine mondial, ratifiée par la RDC, l’interdisent.

«Pêche». Mais c’était faire abstraction de la pugnacité des industries fossiles. A la grande stupeur de l’Unesco, Kinshasa a délivré depuis 2010 des permis de prospection pétrolière sur 85% de la surface du parc à Soco International (Royaume-Uni), ENI (Italie) et Total. Non seulement ces permis menacent «gravement la faune et les communautés locales, dont le mode de vie dépend de la pêche dans le lac Edouard», s’indigne Colin Robertson, de l’ONG Global Witness (Londres), mais si la communauté internationale laisse se développer l’exploitation pétrolière dans les Virunga, «ce sera le signal pour les industries extractives qu’elles peuvent désormais opérer n’importe où dans le monde», avertit Filip Verbelen, de Greenpeace-Belgique.

La pression exercée sur les autorités congolaises par l’Unesco, des députés européens et des ONG n’a pour l’heurepas donné grand-chose. A part gagner du temps : le gouvernement a annoncé, en mars 2011, qu’il suspendait les permis, en attendant les conclusions d’une large étude d’impact, prévues pour la fin de l’année. Et seule ENI a renoncé à toute activité dans la zone. Mais, depuis, Kinshasa a autorisé Soco à y prospecter : la société commence ce mois-ci une étude aérienne. En fonction des résultats de celle-ci, «la prochaine étape sera sans doute des tests sismiques au sein du parc. Les événements semblent donc se précipiter», s’inquiète Colin Robertson de Global Witness.

En avril, le ministère de l’Environnement avait annoncé la couleur dans une lettre à l’Unesco : s’il est d’accord pour respecter ses engagements internationaux, le gouvernement doit également «tenir compte de son opinion intérieure, qui pense que l’exploitation future du pétrole et des ressources minières est une des solutions pour l’amélioration de sa situation matérielle et pour son développement».

Aux alentours des Virunga, la mobilisation contre les projets pétroliers est forte. La tension aussi. «Nous vivons dans une insécurité totale», confie Bantu Lukambo, directeur de l’ONG Innovation pour le développement et la protection de l’environnement (IDPE), basée à Goma. Comme d’autres activistes, il a reçu des menaces de mort. Le gouvernement et Soco «cherchent à nous museler pour réaliser leur plan», dit-il, évoquant également des tentatives de corruption. Il craint notamment pour le lac Edouard, «visé par Soco pour l’installation de plateformes». Comme le Nil y prend sa source, en cas d’accident et de pollution, quelles seront les conséquences ?

La marge de manœuvre est faible pour convaincre Kinshasa de faire machine arrière. «Nous n’avons pas vu de signes clairs montrant que le gouvernement est sensible à la critique internationale», dit Filip Verbelen. Restent donc les pétroliers : «Si une pression suffisante est exercée sur eux, ils pourraient être obligés de revoir leurs plans. Il faut les convaincre que l’exploration pétrolière dans les Virunga peut nuire à leurs affaires.»

Périphérie. A Paris, le WWF mène campagne auprès de Total par médias interposés, mais pas seulement. Lors de l’AG annuelle des actionnaires de l’entreprise, en mai, l’ONG a interpellé son PDG, Christophe de Margerie. Qui a assuré que Total ne mènerait aucune opération dans le parc. «Pour nous, il est clair depuis le début qu’on n’y travaillera pas», explique Jean-Marc Fontaine, adjoint au directeur hygiène-sécurité-environnement de la branche exploration et production. Mais la société ne renoncera pas, en revanche, à la partie de son permis (60%) située en périphérie du parc, où Total se prépare à prospecter. «On n’en est qu’au tout début. Nous commençons d’abord par une étude d’impact environnemental et social. […] Nous mettons tout en œuvre pour travailler le plus proprement possible», affirme Fontaine. Cela ne sera pas suffisant pour dissiper les craintes des écologistes : «On sait que les activités d’exploration ont toujours un impact important sur l’environnement», insiste Jean-Baptiste Roelens, chargé de campagne au WWF. Même menées en périphérie du parc, elles auront de graves répercussions sur sa biodiversité.

Source: Liberation